« Ensemble », la 3e force du Front de gauche

Regards.fr : 25 novembre 2013

http://www.regards.fr/web/Ensemble-un-3e-pilier-pour-le,7239

A la bourse du travail de Saint-Denis, 220 délégués de 70 départements ont créé une nouvelle force politique au sein du Front de Gauche, baptisée : « Ensemble, Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire ».

Avec ces Assises des 23 et 24 novembre 2013, une nouvelle étape a été franchie dans le processus de rapprochement entrepris depuis un an entre la Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique, la Gauche Anticapitaliste, les Alternatifs, Convergences & Alternatives, des militants de la Gauche Unitaire, des animateurs du processus « Tous Ensemble/Trait d’Union » comme Christophe Aguiton et des collectifs locaux créés en communs.

Des cultures politiques traditionnellement différentes, issues de la LCR, du courant autogestionnaire ou du PCF, font ainsi le choix de la mise en commun.

Après avoir adopté trois textes de référence sur l’orientation politique, le projet programmatique et la force à construire, « Ensemble » s’est doté d’une direction composée de représentants des cinq organisations constitutives et de personnalités issues du mouvement social telles que Pierre Kalfa, Jeannette Abel, Evelyne Sire-Marin ou Stéphane Lavignotte.

« Ensemble » constituera une représentation commune au sein de la coordination du Front de Gauche. Les délégué-e-s ont également planché sur les mobilisations sociales à venir, la préparation de la manifestation pour une révolution fiscale du 1er décembre initiée par le Front de Gauche, les élections municipales et européennes. Le consensus a été retenu comme mode principal de fonctionnement.

L’appel à la novation dans les pratiques, pour qu’elles soient moins pyramidales et plus horizontales, comme sur le terrain de la stratégie et des idées a fixé un cap de travail. La refonte du lien entre social et politique est l’une des identités affirmée de ce mouvement.

Pour se développer, « Ensemble » a choisi de mettre le paquet sur un site Internet participatif (bientôt en ligne).

Après une phase de vérifications internes, le mouvement a donc décider de se tourner vers l’extérieur : « nous appelons tous les militants intéressés par ce projet et tous les groupes des organisations politiques constitutives à constituer des collectifs locaux dans toutes les villes et régions, en trouvant à chaque fois les modalités d’action au consensus, qui permettent la participation la plus large » indique le relevé de conclusion de la réunion.

L’objectif est de porter une stratégie alternative aux logiques d’adaptation sociale-libérale, en agissant pour un rassemblement majoritaire à même de conquérir une hégémonie culturelle au service d’une véritable politique de transformation sociale et écologique.

Autrement dit, « Ensemble » veut reconstruire un horizon d’émancipation, de dépassement du système capitaliste et du productivisme.

Il agira pour changer les rapports de force au sein de la gauche, pour y faire prévaloir une orientation qui donne la priorité aux besoins sociaux et environnementaux et se nourrisse de l’apport de tous les combats pour l’émancipation.

Une première réunion du collectif national se tiendra en janvier 2014, où toutes les entités locales enverront leurs représentants.

« Ensemble », c’est parti.

 

Ensemble, mouvement pour une alternative de gauche écologiste et solidaire : Equipe d’animation nationale  : CR assises ensemble EAN

Interview de Myriam Martin : «Au Front de gauche, l’offre pléthorique était incompréhensible»

INTERVIEW de Libération Lilian ALEMAGNA 22 novembre 2013 à 21:36

http://www.liberation.fr/politiques,11?page=2

Questions à Myriam Martin Porte-parole de la gauche anticapitaliste

A défaut de voir le Front de gauche se structurer, ils ont décidé de se regrouper. Cinq petites formations déjà membres de cette alliance fondée aux européennes de 2009 donnent naissance ce week-end à Saint-Denis à une nouvelle formation baptisée «Ensemble. Mouvement pour une alternative de gauche, solidaire et écologiste». On y retrouve tout un pan de la galaxie de la gauche anticapitaliste : de la Fédération pour une alternative sociale et écologique de Clémentine Autain aux Alternatifs, en passant par d’anciens trotskistes de la LCR et du NPA comme la Gauche anticapitaliste (GA), Convergences et Alternatives et une partie de Gauche unitaire, mais sans leur leader, Christian Picquet. Porte-parole de la GA, Myriam Martin explique cette «étape» de restructuration du Front de gauche.

Pourquoi créer ce nouveau parti ?

Il y a deux mastodontes dans le Front de gauche : le PCF et le PG. A côté, nous étions de multiples petites organisations avec des gens qui ont milité ensemble à la Ligue communiste révolutionnaire puis au Nouveau Parti anticapitaliste. L’offre pléthorique était trop incompréhensible pour l’extérieur. On va pouvoir parler d’une seule voix.

Qu’est-ce qui vous rassemble ?

Nous faisons une analyse commune de la situation politique, économique et sociale du pays. De l’impasse sociale-libérale dans lequel se sont engagés François Hollande et son gouvernement. Mais pour rendre l’alternative crédible, le Front de gauche ne peut rester en l’état. Il faut l’organiser pour que des hommes et de femmes qui ne se retrouvent pas dans les partis classiques puissent y venir. Le Front de gauche ne peut se contenter d’être un cartel électoral. La question des adhésions directes doit pouvoir être rediscutée.

Cette structuration du Front de gauche n’a jamais été la priorité du PCF et du PG…

Le PCF est un vieux parti. C’est toujours difficile d’arriver à dépasser ce qui fait sa propre histoire. Il faut le comprendre. Le PG a, lui, une vision traditionnelle de l’organisation d’un parti politique. Voir les assemblées citoyennes fonctionner, c’est un premier pas, même si elles faiblissent depuis la présidentielle. La création de ce mouvement peut engendrer une dynamique pour remobiliser des gens qui ont pris du recul après 2012 et sont plongés dans l’atonie sociale et syndicale.

Combien de militants revendiquez-vous ?

A mon sens, on devrait dépasser les 1 000 à 1 500 adhérents.

On retrouve chez vous beaucoup d’anciens de la Ligue et du NPA…

Ce n’est pas une reconstitution de ligue dissoute mais bien une démarche différente. Avec le NPA, on n’a pas pris les bons chemins. Il fallait une nouvelle étape dans la recomposition politique de la gauche.

Recueilli par Lilian Alemagna

Bonnets rouges. »Non à la manipulation de l’histoire ! »

Article Le Télégramme 22 novembre 2013

http://www.letelegramme.fr/ig/generales/regions/bretagne/bonnets-rouges-non-a-la-manipulation-de-l-histoire-22-11-2013-2311167.php

 

Nous avons reçu de trois historiens éminents, Alain Croix, André Lespagnol et Fanch Roudaut, cette tribune qui entend préciser la dimension sociale de la « révolte des bonnets rouges » du XVIIe siècle qui trouve actuellement une certaine acuité.

 

« Depuis un mois, on assiste à une manipulation de l’histoire de la Bretagne, à un degré rarement atteint.

Nous avons des choix citoyens différents mais, historiens, nous pensons qu’on ne peut pas dire et écrire n’importe quoi, et en particulier en matière d’histoire : trop d’exemples tragiques nous l’ont rappelé, dans un passé parfois très récent, y compris en Europe. Dans le cas des Bonnets rouges, cet épisode de l’histoire bretonne, déformé, est utilisé à des fins bien précises et pour le moins douteuses.

Qu’est-ce que « les Bonnets rouges » ? Nous sommes en 1675, sous le règne de Louis XIV. Dans les campagnes de Basse-Bretagne : une large part du Finistère actuel, une partie des Côtes-d’Armor et du Morbihan. À un moment où, par ailleurs, de nombreuses villes à l’est de la province, Rennes surtout, connaissent aussi une révolte dite « du Papier timbré ».

Pourquoi cette révolte des Bonnets rouges ? Alors que la Bretagne connaît, pour la première fois depuis près d’un siècle, de sérieuses difficultés économiques, les charges qui pèsent sur les paysans s’alourdissent : versements aux seigneurs surtout, taxes royales aussi, dont la multiplication donne une impression d’accablement fiscal.
Ces taxes, réelles (sur le tabac, par exemple) ou imaginaires (l’instauration de la gabelle sur le sel) sont même ce qui met le feu aux poudres. Les révoltés s’organisent de manière assez remarquable : rédaction de « codes », ancêtres des cahiers de doléances de 1789, élection de députés défrayés et dotés d’une chemise et d’un bonnet rouge.
Le mouvement rencontre un écho européen pour plusieurs raisons : Louis XIV est de nouveau en guerre (contre la Hollande), et la mobilisation des troupes aux frontières permet à la révolte paysanne bretonne de durer quatre mois, chose inouïe dans la France du roi absolu et dans une province réputée pour sa tranquillité.

Il est facile d’établir des parallèles avec notre époque, et aussi des différences : l’essentiel n’est pas là.

La révolte, en effet, vise tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent être perçus comme des exploiteurs : seigneurs, agents du fisc, clergé même. Les codes paysans réclament la suppression des corvées (seigneuriales surtout), la diminution des prélèvements sur les récoltes (les seigneurs encore, le clergé aussi), et un juste tarif pour divers services du quotidien : les messes et le vin, les actes devant notaire et le tabac… Ils ne s’en prennent jamais, bien au contraire, à un roi supposé ignorer les abus que connaît son royaume. Cette révolte, qui oppose des paysans bretons à leurs exploiteurs bretons, est avant tout sociale : il est symbolique que le révolté le plus connu, Sébastien Le Balp, soit assassiné par un seigneur, le marquis de Montgaillard.

Gommer cette fondamentale dimension sociale est un travestissement de l’histoire, et débouche vers son instrumentalisation. Délibérément, certains au moins des animateurs du collectif Bonnets rouges veulent détourner la très légitime colère des victimes (agriculteurs, éleveurs en particulier, salariés d’une partie de l’industrie agro-alimentaire) contre « Paris », responsable de tous les maux. Alors qu’une part essentielle de responsabilité incombe à certains chefs d’entreprise et à certains syndicalistes agricoles qui n’ont pas voulu voir venir l’effondrement d’un modèle économique devenu dépendant de subventions européennes, ou qui l’ont très bien vu venir sans réagir, sans chercher à faire évoluer manières de produire et types de production. Selon une recette hélas tant de fois éprouvée, ils tentent de détourner une profonde et légitime colère sociale vers « les autres », tous les autres mais pas eux. Avec la connivence de quelques élus.

Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer cette escroquerie intellectuelle : syndicats de salariés, désormais unanimes, un syndicat agricole comme la Confédération paysanne, certains partis politiques, certains journalistes, certaines personnalités. Nous voulons leur apporter notre soutien.

Manipuler l’histoire, tomber dans le populisme, n’a jamais aidé à résoudre de vrais problèmes. La preuve en est dans les efforts de récupération du mouvement par l’extrême droite, ce qui devrait faire réfléchir.

Oui, il y a de quoi lakaat e voned ruz, « mettre son bonnet rouge », c’est-à-dire piquer une colère noire, selon l’expression imagée du breton. Encore faut-il tourner sa colère vers les vrais responsables. »

Alain Croix (Nantes), André Lespagnol (Rennes), Fañch Roudaut (Brest)